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Détective privée, « ce n’est pas comme dans les films ».
Détective privée, « ce n’est pas comme dans les films »
Propos recueillis par Carine JANINElie Quenet, détective privée, vient d’être nommée à la tête du Syndicat national des agents de recherches privées. Dirigeante des deux plus anciennes agences de France, elle évoque la réalité de ce métier passionnant.
Elie Quenet est détective privée. Elle est à la tête des deux plus anciennes agences du secteur, Dubly et Faralicq. Un métier passionnant, parfois dangereux, mais surtout très réglementé, contrairement aux idées reçues. Celle qui vient d’être nommée à la tête du Syndicat national des agents de recherches privées (majoritaire dans la profession) décrypte la réalité de ce métier.
Elie Quenet, on vous imagine planquer pendant des heures dans votre voiture…
Ce n’est pas faux ! Nous faisons beaucoup de terrain, des enquêtes de voisinage et des filatures souvent précédées de nombreuses heures de planque : soit à pied ou en deux-roues, soit en voiture et parfois en voiture banalisée, qu’on appelle dans notre jargon des « sous-marins ». On prend des photos, des vidéos qui vont nous permettre d’établir des rapports qui sont toujours factuels. Et productibles en justice.
Détective privée, un métier intrigant…
C’est vrai, mais en réalité, ce n’est pas comme dans les films. Cette profession d’agent de recherches privées (ARP) est très réglementée et très contrôlée. Elle est encadrée par la loi L621-1 du code de la sécurité intérieure : il s’agit d’une « profession libérale qui consiste, pour une personne, à recueillir, même sans faire état de sa qualité ni révéler l’objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts ». Notre métier (1 200 agences), c’est la recherche de preuves.
Avec des principes ?
Un code de déontologie. Un contrat doit être établi, qui fixe la mission et le cadre juridique dans lequel elle s’inscrit. On établit une méthodologie d’investigation, on fixe un devis. Il n’y a aucune nébuleuse sur les tarifs. Une heure de planque peut être facturée entre 60 et 100 € hors taxes. On doit aussi respecter les règles d’admissibilité de la preuve. En droit civil, par exemple : loyauté, proportionnalité et respect de la vie privée.
On ne peut pas faire n’importe quoi ?
On ne peut pas faire des enquêtes disproportionnées par rapport au but recherché. On ne peut pas non plus chercher à savoir combien gagne une personne ni quelle est sa profession, sans un lien de droit particulier. De même, une personne ne peut demander à faire suivre son ex-compagne ou compagnon que dans un cadre juridique légitime. Sinon, ce serait considéré comme de l’atteinte à la vie privée.
Quand fait-on appel à un ou une détective privé ?
Dans le cadre de procédures de divorce, quand il y a une double vie, des violences conjugales, une dissimulation de revenus, ou pour surveiller les enfants dans le cadre de la fixation d’un droit de garde. Au niveau commercial, dans le cadre de concurrence déloyale, de vols d’entreprise, de coulage de marchandises, de contrefaçons…
Moi-même, je suis généraliste et enquêtrice d’assurances. J’interviens dans le cadre d’incendies criminels, de préjudices exagérés, de faux sinistres ou de sinistres dont la date a été changée… On peut aussi démanteler des réseaux de fraudeurs, par exemple dans le domaine automobile, avec le garagiste, l’acheteur, le vendeur…
Vous aimeriez avoir plus de moyens ?
Nous bataillons de longue date pour obtenir plus de prérogatives comme, par exemple, le droit de consulter en mairie les actes de naissance avec filiation : quand on recherche une personne, cela permettrait d’obtenir le nom du père et de la mère. Aujourd’hui, seuls les généalogistes peuvent faire cette demande, alors qu’ils ne sont pas, comme nous, une profession réglementée.
Le métier est passionnant ?
Oui, intellectuellement très stimulant. Parce que quand on vous confie un dossier, c’est que tous les voyants sont au rouge. La compagnie suspecte une tentative de fraude : mon métier est d’en apporter la preuve. Il faut mettre en place une stratégie d’investigation, respecter un ordre de casting, interroger les voisins, vérifier si des documents ne sont pas falsifiés. C’est un travail sans horaires. Quand une filature commence, on ne sait quand elle se finira…
Parfois dangereux ?
Je suis fréquemment dans les banlieues de grande ville. Quand vous commencez une planque de nuit à 4 h du matin dans un quartier sensible, toute seule dans votre voiture, il faut un certain courage. De même, quand vous confrontez un fraudeur qui se sait démasqué, la situation peut devenir délicate…
Vous croisez parfois des policiers ?
Bien sûr. Mais il arrive aussi qu’on se manifeste en amont pour ne pas entraver une enquête que l’on sait en cours. Et, si on obtient des renseignements, on leur communique. Non, il n’y a pas de « guéguerre » entre nous !
Quelle formation pour devenir détective privé ?
Deux filières universitaires (à l’Université Paris II Panthéon-Assas et à l’université de Nîmes), qui préparent une licence. Et deux écoles privées (Esarp à Paris et Ifar à Montpellier). Des formations de six mois à deux ans : droit appliqué, techniques d’enquêtes et gestion d’un cabinet.
Quand on est détective privé, n’a-t-on pas la tentation de le rester dans sa vie… privée ?
C’est tout l’inverse ! Je regarde peu de séries policières, de films d’intrigue. Et je ne mène aucune recherche sur mon entourage. Pour la bonne raison que je sais parfaitement que quand on cherche… on trouve !
Détective privée, « ce n’est pas comme dans les films » - Edition du soir Ouest-France - 31/08/2021
Elie Quenet, détective privée, vient d’être nommée à la tête du Syndicat national des agents de recherches privées. Dirigeante des deux plus anciennes agences de France, elle...
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